Issus de la consommation des ménages, de l’agriculture ou de l’agroforesterie, les déchets organiques sont des ressources énergétiques souvent sous-utilisées. Des chercheurs de l’EPFL proposent un moyen de les intégrer dans la production d’électricité ou de gaz, selon les disponibilités et besoins locaux.
Comment tirer profit au maximum des ressources énergétiques à disposition régionalement, telle que la biomasse issue de la consommation des ménages, de l’agriculture ou de l’agroforesterie? En partant de cette question, une équipe de chercheurs de l’EPFL a posé les bases d’une solution d’optimisation énergétique intégrant ces ressources aux réseaux électriques et gaziers. En adoptant des méthodes de gazéification, le modèle est capable de transformer les divers flux de biomasse en hydrogène, puis en méthane à l’aide de piles à combustible à oxyde solide réversibles (solid oxide cell – rSOC). Cette technologie, dont le Groupe des matériaux pour l’énergie de l’EPFL (GEM), basé à Sion, s’est fait une spécialité, permet de stocker de l’électricité sous forme de méthane, et inversement, de reconvertir le méthane en électricité, avec de bons rendements dans les deux sens.
Ce qu’on appelle biomasse est tout ce qui est organique: bois, résidus agricoles et alimentaires, déjections d’animaux, etc. Source énergétique principale avant l’avènement de l’ère industrielle et des énergies fossiles (charbon puis pétrole), elle reste utilisée à raison de 10% de l’énergie primaire mondiale. Elle est considérée comme renouvelable, tant que sa régénération est au moins égale à sa consommation, et donc qu’elle n’entraîne pas de déforestation ni ne concurrence la production de nourriture. Elle est valorisée sous forme de biocarburants, pour produire de la chaleur, de l’électricité, du gaz et différents produits chimiques ou cosmétiques.
Une technologie réversible
L’idée développée par les chercheurs du GEM est de proposer des configurations optimales d’usines, qui traiteraient la biomasse à différentes échelles (entre 1 et 100 mégawatts) et dans un triple but. Elle peut premièrement produire directement de l’électricité, qui est injectée dans le réseau électrique. Aux heures où celui-ci est déjà suffisamment alimenté, elle peut utiliser la matière organique pour fabriquer de l’hydrogène, ou du méthane, composant principal du gaz naturel, qui est injecté dans le réseau du gaz.
«Le but de cette étude est de concevoir le design optimal d’une telle usine et aussi de sa chaîne d’approvisionnement en ressources de biomasse, explique Maria Perez Fortes, du GEM. Nous l’avons appliqué à deux exemples concrets, représentatifs du Nord et du Sud de l’Europe: le Danemark et l’Italie. Dans chaque cas, il s’agissait d’évaluer les besoins du réseau électrique en place, la quantité et le type de biomasse à disposition, les coûts de son transport, etc. L’objectif est d’assurer l’équilibre du réseau électrique, en augmentant la part de ressources renouvelables, afin que l’on puisse consommer de l’électricité lorsqu’il y en a beaucoup, et en produire lorsqu’il en manque. C’est pourquoi nous nous basons sur la technologie de piles à oxyde solide, la seule qui soit parfaitement réversible entre production d’électricité et de gaz.»
Les avantages du système proposé sont sa flexibilité et son utilisation continue dans l’un ou l’autre mode de production, et donc d’éviter des périodes d’arrêt. Il permet un usage multiple – produire ou stocker l’électricité ou le gaz -, ainsi que l’adaptation de l’offre aux besoins. Il se révèle également intéressant pour compléter les autres modes locaux de production d’électricité renouvelable, tels le solaire ou l’éolien, qui dépendent des conditions météorologiques. On vise donc à optimiser les différents réseaux de distribution d’électricité et de gaz et leur interconnexion, en y intégrant les diverses ressources locales de biomasse et permettant un flux d’électricité constamment ajusté en temps réel pour une gestion globale plus efficace.
Cette étude a été développée durant les deux dernières années dans le cadre d’un projet européen, Waste2Grids (Grant 826161), coordonné par le GEM, plus précisément par les scientifiques Maria Perez Fortes et Ligang Wang (coordinateur scientifique). Tous les deux ont récemment été nommés professeur(e), Dr Perez à TU Delft (NL) et Dr Wang à Beijing.